Le Cercle- Les Echos - publié le 14/05/2010 -

résumé :

Pour un pays l'endettement intérieur total et le niveau de l'épargne nationale importent plus que la seule dette publique. L'envol de cet endettement total partout depuis 15 ans ne peut pas être résorbé en 3 ans et par la réduction de la seule dette publique. Il faut des mesures conservatoires pour maitriser à moyen terme ce désendettement.

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Pour un pays l'endettement intérieur total et le niveau de l'épargne nationale importent plus que la seule dette publique. L'envol de cet endettement total partout depuis 15 ans ne peut pas être résorbé en 3 ans et par la réduction de la seule dette publique. Il faut des mesures conservatoires pour maitriser à moyen terme ce désendettement.

A quand la dégradation généralisée des signatures  de presque tous les pays de l'OCDE  (Allemagne, Canada, Australie, Corée exceptés) ? A quand l’implosion de l’euro et une crise aussi grave que celle des années 30 ? On oserait presque dire tout cela seulement parce que  les dettes publiques s’envolent partout, et à ce titre la zone euro inquiète tout particulièrement, et ce suite à 3 ans de crise majeure partout sauf en Chine et dans quelques pays émergents. Pourtant il faudrait se rappeler quelques données de base.

Se focaliser uniquement sur les dettes publiques, c’est oublier ce qui compte vraiment pour mesurer l’endettement d’un pays, à savoir  le total de l'endettement de l'ensemble des agents économiques de ce pays et son évolution... alors qu’ observateurs,  analystes,  et marchés se focalisent presque uniquement sur la dette publique ; la dette brute de surcroît ! C'est aussi le fait de disposer ou non d'assez d'épargne nationale pour couvrir l'ensemble de ces besoins ne pas trop dépendre des capitaux étrangers. De ce point de vue des pays comme le Japon et la France se tiennent encore bien avec une épargne nationale abondante. On ne peut pas en dire autant des Etats-Unis ni du Royaume-Uni notamment.

Quelques chiffres donc d’endettement intérieur total pour quelques pays : à mi 2009, la dette totale du Japon était de 345% du PIB (!), celle du Royaume-Uni de 242%, celle des Etats-Unis de 234%, alors que celle de la France était de 192%, juste derrière l'Allemagne qui était à …190%.  Sur la période juin 2008/ juin 2009  suite à la crise, la dérive de l'endettement total a été de 11% du PIB pour l'Allemagne, de 13 % pour les Etats-Unis, de 17% pour la France et le Royaume-Uni, de 21% pour le Japon.Entre juin 2008 et juin 2009 ( les chiffres à fin 2009 ne sont pas publiés) dans la zone euro l'endettement total de tous les agents est passé de 197,5 % du PIB  à 214,4 % soit un alourdissement de 16, 9 points dont 10,1 points au titre des dettes publiques.
Au total les écarts se creusent, mais restent dans le domaine du gérable si des politiques responsables et coopératives sont engagées.

Au-delà de ces chiffres actuels, il est également important de rappeler qu’il y a 15 ans l’endettement total d’aucun pays ne dépassait 150% du PIB, et était de l’ordre de 100% pour la France et l’Allemagne. Qui s'est inquiété de cette dérive majeure au cours de cette période ? Les analystes, les agences ? Les marchés ? Les politiques ? Les régulateurs ? Le FMI ? Qui plus est, ces dettes sont devenues de plus en plus négociables sur les marchés avec des effets de levier se généralisant et aggravant ainsi la volatilité et les risques de contreparties ; le tout dans une déresponsabilisation largement applaudie si ce n’est orchestrée.

C’est ainsi que les dettes publiques sont  presque toutes entièrement négociées sur les marchés, alors qu’à peine la moitié l’était dans la plupart des pays il y a 15-20 ans. Il est plus qu’urgent de ne pas oublier ces deux données :

  • avoir une vision globale des endettements qui relativise sans le nier le poids des dettes publiques;
  • ne pas oublier qu’on ne peut pas inverser en 2 ou 3 ans 15 ans d’évolutions des endettements aussi majeures et aussi contraires à ce que tous les pays sont aujourd’hui obligés d’engager.
  • Il faudra faire du désendettement (mais jusqu’où ? les réflexions et travaux manquent cruellement  en la matière). Mais il faut le faire en  donnant du temps au temps, en stimulant les moyens d’une croissance durable pour en faciliter la réalisation. Dans l’attente, il faut desserrer les contraintes financières pour les dettes publiques de la zone euro.
  • Au-delà des décisions européennes du week-end  et en limitant au maximum les achats directs de ces dettes par la BCE pour ne pas nuire à la crédibilité de l’euro, il faudrait stabiliser les portefeuilles de titres publics européens détenus par les acteurs financiers européens (on ne peut rien pour les non-résidents) pour que les 750 milliards ne s’avèrent pas insuffisants dans les 3 ans à venir pour les pays de la zone euro (mais aussi possiblement pour le Royaume-Uni qui bien que n’ayant pas participé et n’étant pas dans la zone euro ne devrait pas être laissé à lui-même si on veut que l’Union Européenne n’apparaisse pas comme morte aux yeux de l’étranger). Il faudrait aussi relancer l’émission de bons du Trésor et d’obligations directement auprès des  ménages européens dont l’épargne est globalement très abondante, Voire si leur confiance est en partie  érodée comme en Grèce, passer par un emprunt  obligatoire. On a bien eu un impôt sécheresse… les enjeux sont d’une tout autre ampleur et les inconvénients politiques qu’il représenterait ne doit pas faire flancher les gouvernements.