Le Cercle - Les Echos - le 13/10/2011


 résumé :

Les Etats européens ne peuvent pas se contenter de soutenir financièrement les banques sans s'assurer que cela se traduira effectivement par un meilleur accès au crédit des PME. Il faut donc soit obliger les banques à allouer prudentiellement les fonds propres publics à l'octroi de crédits supplémentaires soit couvrir partiellement le surcroît de risque que ces crédits pourraient enclencher.


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Ainsi la messe est dite : les banques européennes vont devoir renforcer leurs fonds propres. Compte tenu  de l’état de la bourse et de la discrétion des autorités bancaires à demander que ce soit les actionnaires (institutionnels)  privés qui fassent l’essentiel de cet effort,  ce sont les  Etats pourtant déjà surendettés qui devront le faire.


Au moins que cela serve à quelque chose !
En l’état actuel de la donne  économique et financière, un tel renforcement des fonds propres ne changera rien à la réticence de plus en plus grande des banques européennes à ne pas financer les entreprises indépendantes, tout particulièrement les toutes petites et les moyennes, et les professions libérales, à soutenir le capital-risque, à financer les crédits d’équipement,  à l’exportation …  
Or il n’y a pas d’issue  à la crise européenne s’il n’y a pas une offre suffisante de crédit et/ou de garanties des banques pour soutenir de l’activité économique et l’emploi du secteur privé et des entreprises publiques ou para-publiques .


Alors,  plutôt que de laisser les banques disposer librement de l’usage du renforcement de leurs fonds propres et de les voir continuer, presque comme avant, à intervenir sur les marchés, entretenant et la volatilité et les chances de plus-values mais aussi les risques de nouvelles pertes considérables sur ces produits à finalité économique souvent discutable ;  au lieu de les voir pratiquement contraintes à accorder des bonus mirobolants à leurs traders pour ne pas les perdre, pourquoi ne pas les obliger à allouer prudentiellement ce surcroît de fonds propres à l’octroi de crédits additionnels aux entreprises ? Les autorités prudentielles et le Comité de Stabilité financière, chacun dans le champ de ses missions,  en assureraient le contrôle de la  mise en place et une surveillance a posteriori. Les concours aux sociétés cotées et/ou ayant habituellement accès aux marchés de capitaux et donc peu dépendantes du crédit seraient exclues de l’assiette servant à déterminer cette allocation.
D’ailleurs plutôt que des fonds propres publics et le dispositif énoncé ci-dessus, puisque les banques ne manquent pas vraiment de fonds propres et que leurs ratios soient à 7 ou à 9%, dans moins d’un semestre je parie que les marchés recommenceront à émettre des doutes sur la qualité de leurs portefeuilles… et que tout sera à refaire, il serait plus judicieux que les tous les Etats européens  garantissent partiellement les risques additionnels de crédit que leurs banques prendraient sur les entreprises telles que cadrées ci-dessus.
Des risques seraient pris certes mais dans un processus  de création de valeur qui éviterait le cercle vicieux actuel : surendettement, plans de rigueur, stagnation voire récession économiques, surendettement  de moins en moins soutenable  à la sortie, sans parler des risques politiques et sociaux.
Pour éviter les effets d’aubaine il faudrait prendre une référence récente mais passée (fin septembre, par exemple)  des crédits distribués et conservés en bilan (et non couverts par des CDS). Par ailleurs, pour éviter  le risque d’une déresponsabilisation des banques et créer un processus irréversible de maintien à un niveau totale anormal les garanties publiques sur le risque « entreprises » à l’avenir, il ne faudrait pas que cette prise en charge publique du risque sur les crédits additionnels dépasse  60 % ; et ce sur tout l’espace européen, ou à tout le moins sur toute la zone euro.
Bien que répondant sans doute  mieux aux vrais besoins et des banques (pas besoins réels immédiats de fonds propres supplémentaires, pas de dilution des actionnaires par l’intervention en fonds propres des Etats)  et aux vrais besoins des entreprises (un accès au crédit facilité), cette dernière solution n’est pas dans l’air du temps et le discours politique au plus haut niveau s’est déjà prononcé pour les fonds propres.
On ne reviendra pas sur les annonces qui viennent d’être faites. Toutefois peut-on encore espérer qu’au lieu du « tout fonds propres » on en investisse un peu moins  et qu’on mette l’équivalent non investi dans la couverture de risques additionnels de crédits qui seraient effectivement distribués.


Du tout sécuritaire, les fonds propres (qui sont d’ailleurs une fausse sécurité) ne pourront-on pas prendre à peu près les mêmes risques mais en soutenant directement l’octroi de crédits et donc directement le tissu économique et social ? Dans le cas contraire, on se demande pourquoi ce qui s’est déjà passé après les interventions 2008 ne recommencerait pas.