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jeudi, 18 octobre 2018

Les refinancements BCE: une formidable opportunité pour financer la transition énergétique et climatique

Article publié sur Linkedin le 17/10/2018

           Dès 2019  la transition énergétique et climatique peut bénéficier d'un refinancement allant jusqu'à 130 milliards               d'euros auprès de la BCE ! 

 

La BCE va en effet réinvestir 130 milliards d'euros en 2019 correspondant aux remboursements à échéance des obligations qu'elle a achetées dans le cadre des interventions non conventionnelles dites du  "quantitative easing"(QE). Pourquoi ne pas en réinvestir l'essentiel dans des projets contribuant à la transition énergétique ? Il y a là une formidable opportunité de faire avancer très significativement la transition énergétique et climatique, le traitement de la pollution et des déchets.

C'est une action qui pourrait être engagée avant l'été 2019  pour les pays de la zone euro. En effet, alors que la BCE arrêtera en décembre son programme de rachat d'obligations publiques et privée réalisé dans le cadre du QE elle a déclaré le 13 septembre dernier que le montant des obligations ainsi achetées et arrivant à échéance en 2019 sera réinvesti en titres public mais aussi en titres privés, sans autre précision; et cela comme l'avait fait la Fed  entre 2014 et octobre 2017 après avoir mis fin à son propre QE. 
C'est cent trente milliards en 2019 et autant sinon plus pendant plusieurs années, le stock des titres du Système Bancaire Européen -SEBC- à amortir s'élevant à 2 500 milliards d'euros, à moins que celui-ci ne décide un jour d'arrêter ce dispositif avant son terme. 

Ces cent trente milliards d'euros pourraient ainsi être le plafond théorique des refinancements verts retenu pour ce remploi des titres arrivant à échéance. Mais outre son aspect politiquement provoquant pour les adeptes du laisse-faire, ou de la neutralité quand on parle de la politique monétaire à la BCE, il n'est pas nécessaire d'envisager un plafond aussi élevé pour faciliter le financement des énormes besoins de financement verts existants.
En effet, l'union Européenne estime que pour les 28 pays de l'Union il y a un besoin de 177 Milliards d'euros par an d'investissements additionnels pour atteindre les objectifs 2030 énergie et climat. Le montant est donc moindre pour les 19 pays de la zone euro. 
Le plafond de 130 Mds de refinancement n'est ni nécessaire ni souhaitable, et ce pour deux raisons. La première est que les porteurs de titres verts voudront très certainement en conserver une part très significative tant par choix de portefeuille que pour respecter notamment leurs engagements de type ISR (investisement socialement responsable) correspondant de plus en plus à la demande des épargnants. La seconde est de ne pas perturber inutilement le marché obligataire classique, déjà bousculé actuellement. Pour ce faire il est souhaitable de lui laisser une fenêtre d'accès au refinancement BCE significative. 


Au vu de ces deux facteurs qui doivent être pris on considération on avancera, puisqu'il faut bien avancer un chiffre, celui de 85 Mds de refinancement vert pour 2019, soit environ 66 % des 130 Mds actuels (chiffre qui n'inclut pas le refinancement habituel de la Banque Européenne d'Investissement (BEI) auprès de la BCE et qui comprend déjà des concours verts).

Au prorata des parts des pays dans le capital de la BCE cela donnerait un plafond de refinancement de 12,1 milliards pour la France, de 10,5 pour l'Italie et de 15,3 milliards pour l'Allemagne.

 

Pour tenir compte du temps nécessaire pour une montée en puissance de ces financements  verts (notamment de petits crédits verts titrisés, indispensables pour financer de petits projets par ailleurs forts utiles), la BCE devrait étudier la possibilité de mobiliser des titres verts déjà émis assez récemment (un an par exemple ?). A elle de placer le curseur pour à la fois amorcer le processus et laisser une place suffisante aux nouveaux financements et ce compte tenu du calendrier de ses tombées. 

Reste à définir les critères d'éligibilité de ces titres verts sous forme d'obligations d'une part (obligations vertes, obligations climat, obligations durables ou sociales connues sous des appellations comme " green bonds " et " social bonds " notamment ) et sous forme de titres négociables représentatifs de crédits verts titrisés- " asset backed securities "- d'autre part. C'est une question suffisamment complexe et clivante pour qu'à elle seule elle fasse capoter un tel dispositif ! Le risque étant,  bien sûr, le green washing.  

 
Néanmoins, vus les standards arrêtés sur le plan international, vu les exigences  des marchés des " green et social bonds " - même si des progrès restent à faire-,  vu ceux des" asset backed securities "  et vu tout le  soubassement intellectuel et statistique déjà disponible à travers les nombreuses études et travaux on peut considérer qu'il y a déjà ou il peut y avoir quasi immédiatement un environnement de nature à éviter des détournements manifestes. On citera les travaux européens : Le 24 avril 2018, la commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement Européen a publié un rapport sur la finance durable qui servira de base de discussion à la Commission européenne pour un projet de directive sur la finance verte. On citera également ceux du Conseil de la stabilité financière sur la publication d'informations financières relatives au climat (TCFD) et ceux portant sur les ratios prudentiels visant à alléger les besoins en fonds propres pour les catégories de financements reconnus comme verts ( " green supporting factor ").  
En plus de ces cadrages institutionnels et/ou de marché, il ne faut pas oublier le rôle des analystes financiers de marché, des organismes labellisant ces produits, celui des ONG et des associations engagées dans la lutte pour la transition énergétique et climatique pour réduire les risques de dérapages;  sans parler de l'effet très dissuasif du risque de détérioration d'image pour des émetteurs qui se révéleraient peu scrupuleux.  
  
         
Dans un terme un peu plus éloigné, il serait  hautement souhaitable que pour les financements assurés par la voie du crédit (source souvent unique d'accès au financement pour les PME, les petites et moyennes collectivités locales, les associations et bien sûr les particuliers) un volet de réescompte soit ouvert. Ce serait utiliser la technique du  réescompte qui pendant très longtemps (et même jusqu'à la fin des années 90 en Allemagne) fut le support du refinancement structurel des banques auprès de leurs banques centrales. Réescompte de portefeuilles de crédits verts qui éviterait le détour coûteux de la titrisation et une marchéîsation inutile.  


Un dernier point, mais essentiel. L'annonce d'une telle politique par les autorités monétaires devrait être assortie de l'engagement d'en faire une politique durable et structurelle du refinancement des banques et des marchés pour dix ans; prorogeable si souhaitable.  

Il est d'autant plus important d'amorcer rapidement un tel dispositif que les risques d'une crise financière sévère se font de plus en plus présents et que si celle-ci éclate les financements de projet innovants et/ou à horizon de moyen - long terme seront repoussés à des jours meilleurs, comme cela a toujours le cas dans de telles situations. A l'évidence les financements de la transition énergétique et climatique  en feraient partie.


Ainsi, hormis le ciblage des refinancements par le BCE au lieu d'un refinancement à l'aveugle, le dispositif préconisé s'inscrit complètement dans la politique actuellement menée par les autorités monétaires. En outre, elle ne fait que décliner une des missions de la BCE  - article 2 des statuts du SEBC " Sans préjudice de l’objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans la Communauté, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de la Communauté, tels que définis à l’article 2 du traité  (devenu l'article 3 de

l'Union) :
(... ) " L'Union établit un marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement".