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mercredi, 20 juillet 2011

Réguler en informant

article de David Thesmar et Augustin Landier- Blog DFCG- Le blog du directeur financier - 13 juillet 2011

Dans l’économie moderne, réguler c’est rassembler de l’information, puis la diffuser le plus largement possible. La crise financière de 2008 est selon nous l’illustration de ce principe. Car nous analysons cette crise comme une crise de l’opacité. Dans un secteur comme la finance, où la production et le traitement de l’information sont au cœur du métier, l’opacité a des effets catastrophiques. Aux États-Unis, les patrons de banques et les régulateurs en charge de les surveiller ont laissé filer le niveau de complexité du système financier...

mon commentaire :

Les auteurs disent analyser la crise actuelle « comme une crise de l’opacité ».
Et de citer notamment Robert Rubin disant « qu’il était impossible de savoir l’ampleur des risques pris sans être dans la salle de marchés ».

Et bien non, je dirai que derrière l’opacité -et la complexité- invoquée comme cause de la crise se cache en fait la volonté du plus grand nombre de ne pas voir, de ne pas savoir, selon l’adage bien connu qu’il n’y a de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.
Qu’on ne dise pas que les dirigeants et les principaux responsables de banques, de fonds d’investissement ou d’assurances ne savaient pas ce qui était derrière la source majeure des résultats de leur entreprise, de la valeur de leurs stock- options et de leurs bonus ? Tant que c’était hyper profitable, ils ne souhaitaient s’interroger. Les autorités de marché, les superviseurs et les banquiers centraux ne savaient pas la dérive phénoménale de Ia montée généralisée des endettements et des effets de levier l’accompagnant ? Bien sûr que si. D’ailleurs, si le 9 août 2007 chacun des grands groupes bancaires n’a plus voulu faire confiance à personne sur le marché interbancaire c’est que chacun savait ce qu’il avait comme risques dans son fonds de commerce et qu’il savait que tous ses confrères en avaient autant dans le leur. C’est bien pour cela que les banques centrales sont intervenues aussi rapidement et aussi massivement dès ce jour-là. On pourrait multiplier les exemples. Certes les économistes manquaient sans doute d’informations financières fines pour tirer les sonnettes d’alarme ; encore que, s’ils avaient été attentifs aux chiffres de la BRI, à ses commentaires et ses rapports annuels ; aux données financières et comptable des agences américaines Fannie Mae et Freddie Mac depuis début 2005… ils auraient pu exprimer des inquiétudes fortes.
Non, si les acteurs, les analystes et les observateurs en tout genre n’ont pu vu les éléments de montée inexorable des risques c’est qu’ils ne voulaient pas les voir. Tous étaient en effet convaincus que les marchés étaient le canal optimum de l’allocation des capitaux et de la gestion des risques. Même s’ils ne l’étaient pas intimement ils ont agi, régulé, supervisé, commenté, comme s’ils l’étaient. Ceux qui dénonçaient la fuite en avant dans la dette publique et privée, la procyclicité de la comptabilité et des ratios prudentiels, la trop grande déconnexion du réel et du financier, la dissémination des risques auprès d’entités non régulées, ceux-là étaient considérés comme des passéistes et/ou des régulationnistes attardés. D’ailleurs, la croissance mondiale était là pour les contredire ; jamais autant d’argent n’avait été aussi bien employé aux quatre coins de la planète, disait-on…
Tous munis de bonnes informations les choses changeraient-elles ?
Il me sera permis d’en douter. .. Ne serait-ce qu’au vu de ce qui continue à se passer. On sait (presque) tout sur tout après les stress tests, le décorticage des dettes publiques et de leurs porteurs, sur les principaux opérateurs sur CDS, … et on ne peut pas dire qu’il y ait de meilleures analyses sur l’agir à très court terme ou sur le souhaitable à moyen-long terme.
Certes les auteurs ont parfaitement raison de demander à ce que davantage d’informations soient publiées… et des informations pertinentes. C’est un élément important pour limiter les risques de capture du régulateur très justement signalé, comme celle du législateur et des politiques en général. On ne peut que les rejoindre sur ce point. Mais de là à penser que cela serait la panacée, c’est un pas que je ne franchirai pas.


Tant que les analyses portant sur le bon usage de la finance moderne resteront aussi simplistes, voire aussi biaisées (le « tout marché » pour les uns, le presque tout financier interdit ou très corseté pour les autres) on peu douter de la bonne utilisation qui pourra être faite des données publiées. Des réflexions majeures sur les conditions d’une bonne articulation intermédiation bancaire-marchés sont notamment à mener d’urgence. Tant que les puissants intérêts en place prévaudront (et sur ce point le lobby bancaire américain est très remarquable), ils sauront convaincre qu’on ne peut faire autrement, sauf à tuer la croissance. Si ce n’est les mêmes, d’autres diront enfin, plus réalistes ou plus cyniques, que de tout façon, bonne régulation ou pas, bonne information ou pas, les crises sont inéluctables, voire souhaitables car accoucheuses de forces nouvelles.

vendredi, 5 novembre 2010

La justice pour certains

 article de Joseph Stiglitz  le 04/11/2010 dans Le Cercle Les Echos

La débâcle des prêts hypothécaires aux Etats-Unis a soulevé de profondes questions autour du principe « d’autorité de la loi », cette idée universellement admise comme le symbole même d’une société civilisée et avancée. L’autorité de la loi est supposée protéger le faible contre le fort, et faire en sorte que chacun soit traité équitablement. Aux Etats-Unis, à la veille de la crise des prêts hypothécaires à haut risque, elle n’a fait ni l’un ni l’autre.

mon commentaire :

Peut-on espérer que l’instauration du Bureau de protection des consommateurs auprès de la Fed  par la loi Dodd-Frank de juillet dernier empêchera à l’avenir de tels errements législatifs ?

Il faut l’espérer mais, bien que nommé par le Président des USA et confirmé par le Sénat, on peut avoir quelque doute. La proximité technique, administrative et financière avec la Fed garant du bon fonctionnement  des banques et établissements financiers les plus importants le portera naturellement à entendre davantage les arguments des banques que celles du grand public.

Il n’en serait autrement que si les mouvements de consommateurs arrivaient à s’armer techniquement pour contrer solidement les arguments des professionnels et s’ils retrouvaient une force de frappe qu’ils semblent avoir perdus depuis une ou deux décennies. Comment expliquer autrement que les subprimes aient pu autant se diffuser et des lois aussi léonines que celle de 2005 dénoncée à juste titre par M. Stiglitz aient pu être votées ?

 

mardi, 8 juin 2010

Re-régulation financière et démocratie

Le Cercle-Les Echos

article publié le 08/06/2010

 

Résumé : Suite à l'article de M. Stiglitz on peut penser que la capture des régulateurs serait moindre si l'information du public était vraiment faite en amont sur le fond des réformes. Pour les cas les plus difficiles ou sensibles un Conseil Scientifique serait une véritable avancée pour une information plus objective.



M. Stiglitz dans son article "Re-régulation financière et démocratie"attire à juste titre l’attention sur le fait que les lobbies du secteur financier oeuvrent avec force afin de s’assurer que les détails des nouvelles régulations fonctionnent dans le sens de leurs  intérêts. Il y aurait en effet en quelque sorte une certaine forme de capture des régulateurs.

Comment pourrait-il en être autrement puisque les citoyens, même parmi les plus avertis et la plupart des responsables politiques, économiques et sociaux n’ont pas connaissance du contenu réel des réformes, de leur impact probable.

Le plus souvent il s’agit en effet de textes très complexes et très longs et qui de plus en plus souvent ne sont mêmes pas traduits ! Les résumés à l’intention du public se limitent à  l’exposé très bref de principes (rarement discutables il est vrai) mais dont on ignore pratiquement tout de l’application. Faute sans doute de moyens, de sources d’information et de compréhension poussée au fond, universitaires, économistes, journalistes spécialisés et autres experts présentent très rarement une analyse critique solide et compréhensible pour le plus grand nombre desdits projets  Au total, seul un  petit cénacle directement concerné en connaît le tréfonds et peut effectivement influencer fortement le résultat final dans la plus grande des discrétions.

Deux exemples Le premier vise le fait  qu’on a pu seulement tardivement (et avec la crise comme révélateur) constater le traitement prudentiel  particulièrement favorable qui avait été pour les opérations de marchés dans Bâle 1 comme dans Bâle 2 comparé aux exigences de fonds propres demandés pour les crédits aux entreprises tout particulièrement. Maintenant quelques cabinets ou experts nous disent qu’avec Bâle 3  les fonds propres exigés pour ces opérations de marché pourraient être multipliées par 3. Certes, mais par rapport à quelques chiffres de départ ? Multiplié par 3 sur trois fois rien, cela ne fait toujours pas grand-chose … Est-ce le cas ? Qui en a réellement idée en dehors du cénacle précité ? 

Deuxième exemple : Comment s’y retrouver par rapport aux conséquences possibles sur le financement des économies de la prochaine réglementation prudentielle? Selon Mc Kinsey l’application des nouveaux ratios de fonds propres nécessiterait entre 500 et 1000 milliards de dollars, davantage encore selon la BNP, soit près de 6% de croissance à moyen terme, alors que le Président du Comité de Bâle, Gouverneur de la Banque des Pays-Bas, estime ce coût à 0,5 à 1 %  de croissance sur les prochaines années. Serait-ce la fin de la capture des régulateurs ?

Qui croire ? Les régulateurs sur-réagissent-ils? Sur quelles hypothèses d’allocation des fonds propres selon les activités les banques  avancent- elles ces chiffres et ces risques pour la croissance ?

Plus de démocratie supposerait sans doute ici la constitution d’un conseil scientifique international de très haut niveau, suffisamment représentatif de la diversité économique et sociale des pays membres du G20 pour avoir un avis le plus indiscutable possible.

Plus de démocratie, en sus des analyses de M. Stiglitz, c’est donc tout un travail de transparence et d’information en amont des  réglementations à mettre en oeuvre. C’est  aussi dans les cas les plus difficiles ou sensibles, l’appel à un « club des sages »  susceptibles d’éclairer le plus loyalement les décideurs et le public.