Partager la richesse

 La Tribune.fr - 12/05/2009 - Par Philippe Mabille, rédacteur en chef et éditorialiste à La Tribune.

En lançant, le 5 février dernier, le débat sur le partage des profits, Nicolas Sarkozy a ouvert la boîte de Pandore. Evoquer, en pleine crise financière, au moment où l'opinion cherche des boucs émissaires, l'idée d'une répartition nouvelle des profits - un tiers pour l'actionnaire, un tiers pour l'entreprise et un tiers pour les salariés - était une provocation délibérée qui n'a pas manqué son but : agacer le patronat et exciter les syndicats.
La remise ce matin du rapport de Jean-Philippe Cotis, "Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunérations en France", devrait apaiser les esprits...

Mon commentaire :

 o Le rapport Cotis est un bon rapport mais il est néanmoins un peu court sur la partie salaires indirects ou différés - qui représentent les charges sociales- dont le poids a fortement augmenté depuis deux décennies (de l'ordre de 4 % du PIB). C'est certes redistribué mais pour les salariés -dont les plus jeunes- cela ne donne pas du pouvoir d'achat immédiat et pèse sur leur perception d'une juste rémunération de leur travail. Or poser cette question c'est ouvrir le dossier de l'assiette de la couverture des charges sociales au-delà des seuls salariés et donc de la politique fiscale. C'est regrettable que cette question essentielle ait été évacuée alors que le partage des profits est une fausse piste.


 o  Enfin la stabilité de la part des salaires dans la valeur ajoutée est réelle depuis la fin des années 80 (après la pointe de 79-82) mais elle correspond à 2 ou 3 points de moins qu'au début des années 70 c'est-à-dire à l'époque d'avant le premier choc pétrolier, le flottement des monnaies, l'inflation et les indexations (poussant à la hausse) ,puis l'arrivée du monétarisme et de la libéralisation forcenée de la financiarisation des économies (poussant fortement à la baisse).Aujourd'hui les dividendes remplacent les frais financiers (avec la baisse des taux) mais qu'en sera t'il quand ils remonteront ? Qui des salariés ou des actionnaires supporteront le surcoût ? Entre les capitaux pouvant arbitrer les rendements sans frontières et l'emploi nécessairement local (sauf à être délocalisé) et la réserve de main d'oeuvre des pays émergents, la réponse ne fait guère de doute !