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mardi, 6 avril 2021

Le plan de relance européen de 750 milliards d'euros reporté aux calendes grecques par la Cour de Karlsruhe

Article publié sur LinkedIn le 6 avril 2021

Résumé : A bas bruit, politiques budgétaire et politique monétaire de l'UE sont menacées car attaquées en justice et suspendues aux décisions de la Cour.de Karlsruhe qui ne lâche rien.



Alors que les deux chambres du Parlement allemand ont voté en mars la loi permettant la participation de l'Allemagne au plan de relance européen de 750 milliards d'euros, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a exigé la suspension du processus de ratification exigeant du Président allemand, Frank-Walter Steinmeier qu'il en suspende la promulgation. On rappellera qu'il faut l'unanimité des 27 pays membres de l'UE pour qu'il puisse être mis en oeuvre.

Pourquoi cette exigence de la Cour de Karlsruhe ? La Cour veut préalablement se prononcer sur une plainte portant sur ce mécanisme de dette commune permettant la mise en oeuvre de ce plan de 750 Mds €. Plainte émanant de " l'Alliance volonté des citoyens", regroupant plus de 2250 citoyens allemands emmenés par l'ancien chef du parti d'extrême droite, l'AFD.

De façon tout à fait stupéfiante ce fait grave et inquiétant n' est pas connu du grand public faute d'avoir été relayé par les grands médias audiovisuels et les réseaux sociaux (contrairement il est vrai à quelques titres de la presse écrite). Il n'est pas davantage connu des politiques tant en France que dans les autres pays de l'Union qui ne semblent pas se l'être approprié. Ou alors pourquoi ce silence ?

A cela s'ajoute, excusez du peu, une autre menace concernant la politique monétaire menée par la BCE. En effet, le 8 mars dernier une nouvelle plainte a été déposée devant la Cour de Karlsruhe concernant toujours les rachats de dettes publiques par la BCE mais cette fois en visant le programme d'urgence lié à la pandémie (PEPP).

Pourvu que cette plainte finisse aussi heureusement que la précédente concernant les rachats depuis 2015 de dettes publiques et close fin juin 2020, après que néanmoins le 5 mai 2020 la Cour de Karlsruhe ait refusé de se plier à l'avis de la Cour de Justice de l'Union Européenne et qu'elle ait exigé que la BCE justifie dans les 3 mois la conformité des rachats de dette publique aux traités européens. On voit que la Cour ne lâche rien.

Or de façon regrettable, la BCE n'a rien fait pour consolider juridiquement son soutien financier quasi illimité - mais justifié- des agents économiques de la zone euro pour les aider à faire face à la pandémie. Elle continue à égrener régulièrement son mantra d'agir en vue de réaliser son objectif d'inflation "proche de, mais inférieur à 2%" largement déphasé par rapport aux réalités économiques et financières, et ce sans chercher à justifier juridiquement ses interventions exceptionnelles pour des raisons de risques systémiques en période de crise sanitaire majeure.

Ainsi, à bas bruit, politiques budgétaire et politique monétaire de l'UE sont menacées car attaquées en justice et suspendues aux décisions de la Cour.de Karlsruhe qui ne lâche rien, disais-je. Et le remplacement de Madame Merkel à l'automne ne laisse pas augurer d'une nouvelle équipe gouvernementale allemande très favorable à plus de solidarité européenne.

Tâchons au moins d'en avoir conscience et de développer la vigilance qui s'impose.

lundi, 27 janvier 2020

La BCE et la transition énergétique et climatique

Dossier : Les politiques monétaires des banques centrales, , par Michel Castel

publié dans la Revue  Les Possibles éditée à l’initiative du Conseil scientifique d’Attac


Comme il est confortable pour la Banque centrale européenne (BCE) de dire qu’elle a tout fait pour le sauvetage de l’euro et des économies de la zone et qu’il appartient maintenant aux États qui le peuvent de participer à la relance de l’investissement, sans oublier son leitmotiv des nécessaires réformes structurelles. Comme il est également confortable pour de nombreux politiques de dire, depuis peu, qu’on peut mobiliser 1000 Mds € d’investissements publics qui seraient réalisés par l’entremise de la Banque européenne d’investissement (BEI). En réalité, faire face aux gigantesques défis énergétiques, climatiques et environnementaux toujours plus menaçants implique de mobiliser fortement des financements privés parallèlement aux financements publics. Mobilisation économique et financière de même nature que celle que les États et tous les acteurs économiques ont su (ont dû) le faire lors des deux guerres mondiales, car c’est bien une guerre contre une mise en péril de l’humanité qui doit être engagée...



dimanche, 22 septembre 2019

En finir une fois pour toutes avec la planche à billets

Point de vue dans les Echos du 20/09/2019  et dans le Cercle-Les Echos de Philippe Simonnot  (ancien professeur d'économie du droit à l'Université de Pars X et auteur de " Nouvelles leçons d'économie contemporaine" aux Editions Gallimard)

" La révision à la baisse des objectifs d'inflation des banques centrales, préconisée dans ces colonnes par Jacques de Larosière, est insuffisante. C'est à la disparition même de ces objectifs qu'il faut s'atteler " explique Philippe Simonnot


mon commentaire :

Il ne faut pas oublier que le chiffre de 2 % a été avancé les premières fois à un moment où il s'agissait toujours de combattre une inflation significative et permanente. Un combat qui paraissait loin de pouvoir être gagné. Aussi un 2% paraissait-il être un objectif très ambitieux mais néanmoins raisonnable pour à la fois éviter une déflation toujours très difficile à combattre (et très dangereuse économiquement et socialement) et pour maintenir une certaine fluidité dans les comportements économiques tout en pouvant jouer, au moins un temps, sur l'illusion monétaire donnant un peu de marges de manoeuvre aux politiques de taux. 


On n'est absolument plus dans cet environnement et les 2 % ne doivent pas être le point d'ancrage de la politique monétaire comme il l'est encore trop actuellement à la BCE. Surtout si celle-ci ne s'en sert pas du tout pour impulser un soutien - par le refinancement-  aux investissements verts qui pourraient être certes source d'une petite inflation, mais d'une inflation vertueuse car participant au sauvetage de la planète.

vendredi, 6 septembre 2019

Madame Lagarde dit vouloir mettre la BCE au vert

Publié sur Linkedin le 6 septembre 2019


« Le changement climatique doit être intégré au sein des objectifs de la BCE »  délaré Madame Lagarde devant le Parlement Européen le 4 septembre 2019.


Ce que Mario Draghi, malgré sa politique monétaire disruptive, n'aura pas su - ou voulu - faire, à savoir engager résolument la BCE à aider au développement des financements verts, son successeur, Madame Christine Lagarde, a dit vouloir le faire lors de son audition devant le Parlement Européen ce mercredi 4 septembre.
« Le changement climatique doit être intégré au sein des objectifs de la BCE », a-t-elle déclaré, précisant qu'à ce stade qu'il ne peut s'agir que d'une position personnelle. « La stabilité des prix reste l'ancrage absolu de la BCE, son objectif premier. L'environnement peut faire partie des objectifs secondaires », a-t-elle déclaré, en référence à l'article 127 des traités sur les prérogatives de la BCE (référence toujours écartée jusqu'à présent par les responsables de la BCE, Benoît Coeuré excepté il y a quelques mois).
 Elle précise qu'Il faut déterminer ce qui est green et ce qui ne l'est pas. Si la taxonomie (la définition) des actifs verts est adoptée, elle se superposera au principe de "neutralité de marché" (c'est-à-dire de non orientation, de non intervention dans les choix de financements opérés par les différents acteurs économiques).  
Elle a également évoqué la prise en compte des actifs verts dans la pondération des risques utilisée dans la détermination des ratios de capitaux des banques comme le proposent la Commission sortante et les banques françaises notamment avec le concept de « green supporting factor ».
 Pour revenir, et se limiter à la politique de refinancement, tout est prêt conceptuellement pour que le pourtour de ce qui relève de la notion de financements verts soit arrêté. Il reste la volonté politique et institutionnelle de bien vouloir commencer à lui donner corps, ce que le marché des green bonds a déjà largement fait sur des bases privées, même s'il reste quelques ambiguïtés sur certaines opérations un peu anciennes ou un encore un peu floues.
C'est le moment donc d'enfin réemployer les tombées des obligations acquises avant janvier 2019 dans le cadre des politique de quantitative easing (QE) dans des obligations et autres titres de créances négociables vertes, ce qui n'a pas été fait, la BCE continuant de refinancer Etats, banques et grandes entreprises à l'aveugle, y compris pour des concours carbonés.
Il n'es pas concevable qu'une possible réactivation de cette politique de QE continue cette fausse neutralité régulièrement mise en avant pour ne pas faire ce ciblage. Pas plus que ce n'est concevable de lancer, peut-être très prochainement, de nouveaux prêts bancaires à long terme (TLTRO); annonce de la BCE du 4 avril 2019 qu'elle lancerait ces nouveaux prêts en septembre prochain.
Certes, la montée en puissance de ces refinancements verts ne pourra être que progressive. Mais s'ils pouvaient être ouverts à de portefeuilles de crédits bancaires verts non titrisés, mis en place par exemple depuis janvier de cette année, le champ en serait considérablement élargi à des financements de petits montants du secteur privé tout aussi importants et efficaces que les grosses opérations d'investissement (via la BEI notamment) pour diffuser aussi vite que possible les économies d'énergie, le financement des énergies renouvelables, le traitement de la pollution, des déchets, la conversion des agriculteurs à une agriculture biologique...
Pour booster l'offre de ces crédits, la BCE devrait non seulement ne pas augmenter à due concurrence - à l'euro, l'euro- les réserves à taux négatifs demandés aux banques sur les dépôts ( ce qui est évoqué comme une prochaine mesure possible)- mais, au contraire, les supprimer complètement. Ces crédits verts trouveraient ainsi un attrait pour les banques qui seraient alors bien davantage disposées à en faire offre auprès de leurs clientèles.  


  PS : des éléments beaucoup plus précis sur toute cette problématique peut être retrouvés sur ce site dans mon article " Refinancements BCE: une formidable opportunité pour financer le transition énergétique et climatique " du 17 octobre 2018

https://www.linkedin.com/pulse/les-refinancements-bce-une-formidable-opportunit%C3%A9-pour-michel-castel/

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Article également publié le 24 septembre  sur Le Cercle-Les Echos sous le titre 

" Comment mettre la BCE au vert  "

LE CERCLE - Christine Lagarde veut intégrer le changement climatique au sein des objectifs de la Banque centrale européenne. Dans un texte, Michel Castel imagine comment l'institution monétaire pourrait booster l'offre de crédits verts.


Vous pouvez le consulter sur https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle

 

jeudi, 7 mars 2019

BCE : une incroyable occasion ratée !

ECB : an incredible  opportunity missed !
   

La Banque centrale européenne a annoncé ce jour qu'elle lancera en septembre prochain de nouveaux prêts bancaires à long terme (TLTRO) et que ses  taux resteront inchangés jusqu'à la fin de 2019.
Dont acte !
Mais aucun ciblage en faveur de financements  privés de la transition énergétique et du développement durable alors qu'il y a de plus en plus péril en la matière puisque les Etats sont dans l'incapacité de financer seuls ces besoins énormes et que l'horizon ultime pour essayer de contenir les catastrophes à venir se rapproche de plus en plus dangereusement.    

Il est en effet incroyable que la BCE reconduise à l'identique sa politique de refinancement à moyen terme exceptionnel des banques comme elle l'avait mis en oeuvre en septembre 2014 puis en juin 2016. Politique qui, avec le "quantitative easing" (Q.E ) a certes contribué à éviter un assèchement du crédit dans la zone euro mais a aussi poussé à un endettement massif des grands groupes (les incitant à arbitrer crédits contre fonds propres, à réaliser de méga prises de contrôle) et poussé également à la spéculation sur l'immobilier et les actifs financiers, sans infléchir un tant soit peu les financements carbonés.

Alors que la BCE aurait déjà pu remployer dès 2019, comme elle s'y est engagée, tout ou partie des amortissement de titres acquis dans le cadre du QE  en obligations publiques et privées et en crédits titrisés représentatifs de financements verts, elle n'a rien changé, refinançant toujours à l'aveugle les Etats et les groupes internationaux ayant une présence juridique dans un pays de la zone euro.

Il y avait une dernière chance à saisir pour aller dans ce sens : c'était cette troisième salve de TLTRO annoncée aujourd'hui.

Au lieu de quoi, rien de changé !
Dans les deux premières salves, les montants que les banques pouvaient emprunter à la BCE et leur taux dépendaient de leurs encours de crédits accordés aux entreprises non financières et aux ménages (hors prêts immobiliers). Encours de crédits indifférenciés, sans aucun fléchage en faveur de domaines considérés comme prioritaires comme les financements verts (éventuellement arrêtés par les instances européennes qui disposent d'études et de projets suffisamment mûrs pour pouvoir les circonscrire).

Dans le cadre de cette nouvelle salve de TLTRO les banques pourront emprunter jusqu'à 30% de l'encours des prêts éligibles au 28 février 2019, à un taux indexé sur le taux d'intérêt des opérations principales de refinancement pendant la durée de chaque opération, sans autre précision.
Si, le communiqué de la BCE se termine en disant: " De plus amples informations sur les conditions précises des TLTRO-III seront communiquées prochainement. »  On peut toujours espérer...mais ne soyons pas naïfs rien n'ira dans ce sens.
Une claire orientation de ce dispositif vers des refinancements favorisant les financements verts n' aurait pas été une mesure de second ordre susceptible d'être simplement finalisées dans des " conditions précises communiquées prochainement ". Si cela avait été le nouvel objectif, totalement innovant, le Président Draghi en aurait fait l'annonce comme il sait le faire. Au hasard  (!) :  le 26 juillet 2012, il  annonçait que la BCE ferait « tout ce qui était nécessaire » pour sauver la zone euro. Rien de tel, à ce jour, pour contribuer à sauver la planète.

Il n'est pas trop tard M. Draghi !!

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