Le Cercle- Les Echos du 26/04/2012


Résumé :

 La BCE se prononce en faveur d’un pacte de croissance. Dont acte. Mais il lui faut être partie prenante. Elle doit aider les banques à financer les investissements assurant la transition énergétique et écologique par un accès privilégié à son refinancement. Cela comme ce fut le cas en France pour aider à la montée en puissance des exportations ; dispositif qui fut efficace.



La BCE vient de reconnaître par son Président que l’Europe devrait engager un pacte de croissance à côté des politiques de redressements budgétaires, ce qui est une réelle avancée. Mais elle ne peut s’arrêter là. Il lui faut être partie prenante. En effet, l’Europe ne s’en sortira pas par la seule discipline budgétaire et la nouvelle gouvernance décidées début mars par 25pays de l’Union sur 27. Une nouvelle politique monétaire est à inventer pour parfaire l’action engagée en matière de finances publiques et de gouvernance économique.

Certes les interventions non conventionnelles de la BCE de fin 2011 et début 2012 ont permis d’éviter le pire mais elles n’ont pas permis de soutenir l’offre et la demande de crédit.

Il lui faut donc mettre sur pied des incitations permettant d’associer les circuits financiers et plus spécialement celui du crédit aux efforts de redressement sévères engagés par ailleurs.

A ce titre, il lui faut faciliter le financement des investissements et tout spécialement  ceux qui desserreraient la contrainte énergétique de l'Europe. Investissements qui couvriraient les énergies renouvelables, les questions de pollution et participeraient à l'établissement d’infrastructures transeuropéennes dans les transports notamment. Pourquoi ceux-ci et pas d’autres ? Parce que, bien qu’également très souhaitables, ils sont beaucoup plus faciles à financer par le secteur privé avec des temps de retour sur investissement beaucoup plus court et généralement moins consommateurs de capitaux.

D’après différents travaux (ONU, Commission Européenne…) le montant de ces investissements contribuant à la réalisation de  la transition énergétique et écologique  porte annuellement sur de 2 à 3 % du PIB européen et ce pendant une décennie ou une décennie et demie. Un plan européen en la matière devrait prochainement en arrêter les grands principes et les enveloppes. La Commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie du Parlement européen vient déjà, le 28 février dernier, de voter une directive demandant de réduire de 20 % la consommation énergétique en Europe d’ici 2020. A partir de cette feuille de route européenne, chaque pays devrait déjà la décliner selon ses besoins propres et selon ses spécificités.

Comme les Etats ne peuvent plus soutenir financièrement ces investissements conséquents par des incitations fiscales fortes, on ne peut pas se contenter de la BEI (réticente et faisant monter les enchères) ni rêver les couvrir par à des projects bonds dont le principe n’est même pas acquis. Il faut impérativement y associer les banques et donc l’épargne et les capitaux privés. Cela est possible en  assurant  aux banques un accès au refinancement systématique auprès de la BCE pour les crédits finançant de tels projets. De plus, il faudrait que ce soit à un taux inférieur au taux de refinancement ordinaire, par exemple à seulement 66 % de celui qu’elle demande pour ses refinancements les plus longs. Il faut, en effet, au moins une telle incitation pour que les banques financent ces projets car il faut contrebalancer l'effet très fortement négatif des exigences nouvelles de liquidité et de renforcement de fonds propres demandés par Bâle III et, plus encore, imposés immédiatement ou presque par les marchés.

Ajoutons que quand les Etats sont impliqués dans des projets de ce type, seuls ou en partenariat avec le secteur privé, ils devraient pouvoir eux aussi accéder au refinancement de la BCE dans les mêmes conditions que le secteur bancaire intervenant dans ces opérations. Mais il ne faut peut-être pas trop en demander d’un coup!

Les banques centrales nationales de la zone euro s’assureraient par sondage, et a posteriori, qu'il s’agit bien de financements (privés ou associant public et privé) conformes aux orientations européennes précitées.

Mais quid de l'inflation, direz-vous, si la BCE facilite ces refinancements, voire se porte acquéreur de certains de ces crédits quand la situation conjoncturelle se dégrade ? Ce serait une création monétaire ( par les banques voire par la BCE si elles se refinancent auprès d’elle) qui serait vertueuse, car « causée » et « bien causée » comme disent les juristes ou les banquiers. Rien à voir avec les refinancements à l'aveugle pratiqués par les banques centrales depuis que les politiques de type monétaristes l'ont emporté au début des années 80 et qui permettent le refinancement de toutes les spéculations et dérives.

Même nos amis Allemands devraient y être favorables. Ce serait en effet renouer très modestement avec la pratique du réescompte abandonnée par l'Allemagne, contre son gré, lors de l'instauration de l'euro.

Il est dommage que le 29 février, dans sa dernière intervention de refinancement à 3 ans,  la BCE n’ait pas  introduit  un accès de refinancement préférentiel pour des crédits nouveaux de ce type  au lieu de refinancer à l'aveugle des systèmes bancaires et de voir ces derniers, faute de projets, replacer l’essentiel tous les soirs auprès de l’Eurosystème. Et à tout le moins, il est dommage qu’elle n’ait pas dessiné un plan de sortie de ce type.

En effet,  comment les banques vont-elles pouvoir rembourser à l’horizon de 3 ans les 1.000 milliards empruntés à la BCE en décembre et février sans peser sur l’offre de crédits longs au fur et à mesure que les échéances se rapprochent ?  Jürgen Stark, ancien membre du Directoire de la BCE, n’est pas le seul à s’en inquiéter.  Ma proposition, offre un début de sortie ordonnée de cet état de fait et prend donc tout son sens dans cette perspective.

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La BCE doit avoir une contribution active, dans le domaine qui est le sien, à savoir notamment le refinancement des banques,  au-delà  d’une déclaration qui invite tout le monde à agir sauf elle, alors que le bon fonctionnement du secteur bancaire est de son ressort aux côtés des autorités prudentielles.