Le Blog Directeur Financier - DFCG-  le 16 février 2009   Par Michel CASTEL

Association nationale des directeurs financiers et du contrôle de gestion


Des écarts de spreads grandissants entre les pays de la zone euro, la dégradation de la signature de plusieurs d’entre eux par les agences de notation et l’approfondissement de la crise font que le risque d’éclatement de la zone euro est une question qui n’est plus taboue depuis mi-janvier.

Le 29 janvier, le Gouverneur de la BCE a certes tenu des propos rassurants sur BFM en indiquant que « la crise actuelle ne présente pas de risque d’éclatement de l’euro ». Cependant, la crise n’a pas dit son dernier mot et on ne voit pas pourquoi les marchés ne continueraient pas à tester le degré de solidarité des 27 pays de l’Union et plus précisément celle du sous-ensemble des 16 pays constituant la zone euro.


Or celle-ci a bien du mal et aura bien mal à se manifester ; on se limitera à deux points pour l’illustrer. D’abord, l’idée d’emprunt(s) groupé(s) qui témoignerait de cette solidarité a été repoussée plusieurs fois par différents responsables au motif clairement explicité le 2 février par le Gouverneur de la Bundesbank « qu’il atténuerait le caractère disciplinant des marchés financiers et que l’engagement de chaque pays à tenir en ordre ses propres finances publiques est un élément clé de la constitution de l’Union Européenne ». Ensuite, la zone euro ne peut pas a priori compter sur un refinancement des pays membres par la BCE, en raison de l’article 104 du Traité de Maastricht qui l’interdit à la BCE et aux autres banques centrales nationales, contrairement à la Fed pour les Etats-Unis.


Or l’essentiel des besoins de financements additionnels des Etats, tant en Europe que dans presque tout le reste du monde, vient du mauvais fonctionnement des marchés et du crédit et ce, malgré les soutiens publics massifs apportés au secteur financier. Dans le même temps, ce dernier continue bien entendu à disposer de l’intégralité des dépôts et titres existants de l’ensemble des agents économiques ou en cours de création par l’injection des concours publics. Alors pourquoi ne pas assurer une partie du refinancement des Etats boudés par les marchés par l’instauration d’un plancher de bons du Trésor (BT) auprès des banques de chaque pays en fonction de leurs dépôts ? C’est un dispositif qui a fonctionné notamment en France (jusqu’en 1966) quand après la dernière guerre mondiale les Etats étaient une source essentielle du financement des économies et ce jusqu’à la montée en puissance des banques puis des marchés dans les différents pays. Les banques détiennent déjà spontanément une part importante des dettes publiques: il s’agirait qu’elles n’en baissent pas l’encours et qu’elles l’augmentent de 3 à 4 % ou de 4 à 5 % de leurs dépôts selon le poids de ceux-ci dans les PIB nationaux pour couvrir tout ou partie des déficits liés à la crise. Ces BT sont pour elles des emplois rémunérés, sans risque, non consommateurs de fonds propres et pouvant servir de collatéral pour un éventuel refinancement auprès du Système Européen de Banque Centrale (SEBC). Si les marchés renouvelaient le niveau de leurs encours actuellement souscrits, le bouclage financier des dettes publiques des pays de la zone euro pourrait être presque assuré sans le concours direct, si ce n’est assez marginal, du SEBC. Politiquement de telles interventions directes très limitées des banques centrales de la zone euro devraient réduire la crainte de « la planche à billets ». Cela devrait permettre plus facilement d’obtenir l’accord unanime des 27 pays de l’Union nécessaire pour avoir une lecture ouverte du traité de Maastricht et de rassurer les marchés.
Il est de l’intérêt général d’envisager des dispositifs de ce type pour prévenir, le cas échéant, les possibles conséquences désastreuses d’un processus extrêmement dangereux de surenchère dans la recherche de primes de risque sur tous les Etats de la zone euro– y compris les plus solides- pour voir jusqu’où on peut aller. On le sait maintenant, les risques systémiques, même les plus improbables, existent quand on les alimente. On ne sait pas quand ils peuvent éclater mais ils finissent par éclater… et on commence à en connaître le prix.


Nota : un article plus complet sera publié par l’auteur fin mars-début avril dans Euredia, Revue européenne de droit bancaire et financier, Editions Bruylant, 2009.1