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Mot-clé - Commision Vickers

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jeudi, 22 septembre 2011

Qui devra payer pour les banques systémiques ?

Le Cercle- Les Echos - le 22/09/2011

Résumé :

La trentaine de banques systémiques n’est pas à l’abri de défaillances. Or depuis la chute de Lehman Brothers il est admis que leur sauvetage est quasiment incontournable. Mais ce ne peut plus être le fait de l’Etat du pays du siège seul. Un Fonds International d’Intervention est à créer.Son fonctionnement ne doit pas pour autant augmenter l'aléa moral.


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Les banques sont mortelles donc les grandes banques dites systémiques (too big to fail ») le sont aussi. Elles ne peuvent échapper à cette loi que parce que leur défaillance entraînerait la chute de beaucoup d’autres et perturberait gravement l’épargne mondiale et le financement des économies; le cas le Lehman Brothers ne l’a que trop illustré.

Que ce soit pour de bonnes raisons ou simplement à la suite de rumeurs et/ou d'emballements de marchés, quand la confiance vis à vis d'une banque et surtout d'une très grande banque n’est plus là, ce n'est pas 1 ou 2,5 % de fonds propres de plus qui changeront la donne. Pas plus que les testaments qui leur seront demandés pour faciliter leur éventuel éclatement ni que la filialisation des activités de marché prônée récemment par la Commission Vickers au Royaume-Uni.

Le récent renforcement des mesures prudentielles en cours de mise en place, bien que souhaitable, n’empêchera pas la survenance de sinistres bancaires en cas de crise majeure, y compris parmi les groupes les plus prestigieux et/ou paraissant les plus solides. Une alerte sur des résultats combinée ou non à un accident majeur sur un marché ou sur des risques juridiques,  des stress tests médiocres en période très chahutée, une rumeur, et malgré tous les fonds propres du monde,  rien n’empêchera la perte de confiance des concurrents, des analystes, des clients et des actionnaires…

Et, en l’état actuel du cadre institutionnel mondial, les Etats pourront se retrouvent obligés de renflouer de méga établissements, une trentaine de par le monde, encore plus gros qu’avant l’éclatement de la crise de 2007. Or depuis une décennie ces méga-groupes bancaires se sont très fortement engagés sur des risques de marché et à l’étranger. Leurs activités, leurs  risques et leurs résultats ne sont plus majoritairement nationaux. De plus, leur capital est souvent détenu à près de la moitié ou davantage par des non-résidents. Dernièrement les plus grands d’entre eux développent en outre une stratégie de  renforcement considérable de leurs effectifs vers les grands pays émergents en diminuant presque aussi fortement leurs effectifs dans leur pays d’origine où est généralement leur siège social.

Ces données structurelles associées au fait que les pays occidentaux où ils ont leur siège social sont dans une situation de quasi sur endettement font qu’il n’est raisonnablement plus possible de demander aux contribuables de ces pays de supporter la totalité de leur renflouement. Aucun Etat ou presque n’est raisonnablement apte et pour longtemps à sauver une ou deux très grande banques. De plus, cette fois les opinions publiques pourraient s'y opposer, d'autant plus que la source essentielle des problèmes en seront souvent les marchés et les activités réalisées avec l'étranger.

Dès lors, il faut reconsidérer les conditions du (nécessaire) sauvetage de la (des) banque(s) systémique(s) en perdition par le seul pays du siège social.

Il  faudrait  instituer un partage du fardeau entre le pays d’origine et l’international  pour couvrir la partie des besoins nés des risques pris sur les marchés et dans d’autres pays.  Il devrait se faire selon une pondération multi-critères (parts des risques résidents/ non-résidents, poids des marchés dans les risques et le produit net bancaire, sources des résultats, composition de l’actionnariat…) à définir par un Fonds International d’’Intervention  (F2I),  de nature prudentielle à créer.

Ce fonds  serait fortement doté par une taxe internationale sur les transactions financières proportionnelle aux risques et à l’utilité desdites transactions comme le préconisent la France, l’Allemagne et maintenant la Commission Européenne. Vu son assiette elle toucherait toutes les banques mais beaucoup plus les banques systémiques que les autres. Et ces dernières, bien que hors de ce dispositif de sauvetage,  en profiteraient quand même indirectement  en réduisant leurs risques de contrepartie qu’elles ont nécessairement sur ces méga-banques.

A son démarrage ce Fonds pourrait  être préfinancé par le FMI pour compléter ses ressources. Il interviendrait systématiquement en liaison étroite avec le FMI, la BRI, et le Comité de stabilité financière pour décider ou non d’une intervention ainsi que du traitement qui serait fait aux actionnaires. FMI qui serait  aussi associé financièrement à ces opérations de sauvetage au lieu de le voir  prêter  aux pays concernés par ces défaillances et qui de se fait aggravent d'autant leur propre endettement… et leurs risques. Pour la zone euro c'est vital si on ne veut pas qu’un pays se retrouve un jour dans la situation de l’Islande, voire de l’Irlande d’avoir encore à aggraver des plans d’austérité pour renflouer des banques dites nationales mais dont l’activité est devenue très largement multinationale.  Et que diraient demain les Anglais s’il leur  fallait sauver HSBC qui a de plus en plus son cœur de métier en Asie mais encore, pour le moment, son siège social à Londres ?

Certes  ce renflouement quasi assuré peut entraîner un aléa moral de la part des banques systémiques. Ce serait oublier qu’il  devrait être nécessairement assorti de mesures drastiques concernant les dirigeants et les  actionnaires investisseurs institutionnels et hedge funds qui n'auraient pas répondu aux demandes d'augmentation de capital pressantes formulées par les autorités bancaires tel que le code monétaire français le prévoit dans son article L 511-42 «  Lorsqu'il apparaît que la situation d'un établissement de crédit le justifie, le gouverneur de la Banque de France, président de l'Autorité de contrôle prudentiel, invite, après avoir, sauf en cas d'urgence, pris l'avis de l'Autorité de contrôle prudentiel, les actionnaires ou les sociétaires de cet établissement à fournir à celui-ci le soutien qui lui est nécessaire ».

Il appartient aux autorités internationales mentionnées de dessiner les principes qui présideraient au traitement des actionnaires institutionnels récalcitrants: degré de dilution des doits de vote, privation future de dividendes de leurs titres, attribution par contre de droit de vote double pour les titres des souscripteurs…  autant de paramètres sur lesquels ils pourraient jouer.
Appliqué jusqu’à présent seulement aux petits établissements, ce texte mériterait  d’être activé pour les moyennes mais aussi les très grandes banques dans la cadre élargi du G20. L’inaction éventuellement constatée après cette « invitation » pourrait déclencher le processus de sanction précédemment énoncé.

En effet, le devoir d’actionnaire ne s’arrête pas, contrairement à la vulgate,  à la mise initiale de fonds. Participer à une augmentation de capital pour passer une forte tourmente (et non pour faire de l’acharnement thérapeutique) a été un principe souvent appliqué dans tout l’histoire de la vie des affaires  et ce souvent pour le  plus grand bien à moyen terme de l’entreprise et de ses actionnaires.

Il n’y a plus, avant longtemps, d’actionnaires en dernier ressort pour des groupes aux risques devenus incommensurables. La question de leur sauvetage éventuel est cruciale, complexe, très sensible vis-à-vis des souverainetés nationales et très difficile à mettre sur pied... surtout en pleine crise. Raison de plus pour que ce soit le plus tôt possible un nouveau chantier pour les prochains G20.

On trouvera une analyse assez semblable dans un article du groupe Diogène :
"Il est encore temps d'éviter un nouveau Lehman Brothers",paru le 7 septembre 2011sur Slate.fr :

http://www.slate.fr/story/43267/nouveau-lehman-brother-eviter