Qui devra payer pour les banques systémiques ?
Par Michel Castel le jeudi, 22 septembre 2011, 15:36 - Articles - Lien permanent
Le Cercle- Les Echos - le 22/09/2011
Résumé :
La trentaine de banques systémiques n’est pas à l’abri de défaillances. Or depuis la chute de Lehman Brothers il est admis que leur sauvetage est quasiment incontournable. Mais ce ne peut plus être le fait de l’Etat du pays du siège seul. Un Fonds International d’Intervention est à créer.Son fonctionnement ne doit pas pour autant augmenter l'aléa moral.
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Les banques sont mortelles donc les grandes banques dites systémiques (too big to fail ») le sont aussi. Elles ne peuvent échapper à cette loi que parce que leur défaillance entraînerait la chute de beaucoup d’autres et perturberait gravement l’épargne mondiale et le financement des économies; le cas le Lehman Brothers ne l’a que trop illustré.
Que ce soit pour de bonnes raisons ou simplement à la suite de rumeurs et/ou d'emballements de marchés, quand la confiance vis à vis d'une banque et surtout d'une très grande banque n’est plus là, ce n'est pas 1 ou 2,5 % de fonds propres de plus qui changeront la donne. Pas plus que les testaments qui leur seront demandés pour faciliter leur éventuel éclatement ni que la filialisation des activités de marché prônée récemment par la Commission Vickers au Royaume-Uni.
Le récent renforcement des mesures prudentielles en cours de mise en place, bien que souhaitable, n’empêchera pas la survenance de sinistres bancaires en cas de crise majeure, y compris parmi les groupes les plus prestigieux et/ou paraissant les plus solides. Une alerte sur des résultats combinée ou non à un accident majeur sur un marché ou sur des risques juridiques, des stress tests médiocres en période très chahutée, une rumeur, et malgré tous les fonds propres du monde, rien n’empêchera la perte de confiance des concurrents, des analystes, des clients et des actionnaires…
Et, en l’état actuel du cadre institutionnel mondial, les Etats pourront se retrouvent obligés de renflouer de méga établissements, une trentaine de par le monde, encore plus gros qu’avant l’éclatement de la crise de 2007. Or depuis une décennie ces méga-groupes bancaires se sont très fortement engagés sur des risques de marché et à l’étranger. Leurs activités, leurs risques et leurs résultats ne sont plus majoritairement nationaux. De plus, leur capital est souvent détenu à près de la moitié ou davantage par des non-résidents. Dernièrement les plus grands d’entre eux développent en outre une stratégie de renforcement considérable de leurs effectifs vers les grands pays émergents en diminuant presque aussi fortement leurs effectifs dans leur pays d’origine où est généralement leur siège social.
Ces données structurelles associées au fait que les pays occidentaux où ils ont leur siège social sont dans une situation de quasi sur endettement font qu’il n’est raisonnablement plus possible de demander aux contribuables de ces pays de supporter la totalité de leur renflouement. Aucun Etat ou presque n’est raisonnablement apte et pour longtemps à sauver une ou deux très grande banques. De plus, cette fois les opinions publiques pourraient s'y opposer, d'autant plus que la source essentielle des problèmes en seront souvent les marchés et les activités réalisées avec l'étranger.
Dès lors, il faut reconsidérer les conditions du (nécessaire) sauvetage de la (des) banque(s) systémique(s) en perdition par le seul pays du siège social.
Il faudrait instituer un partage du fardeau entre le pays d’origine et l’international pour couvrir la partie des besoins nés des risques pris sur les marchés et dans d’autres pays. Il devrait se faire selon une pondération multi-critères (parts des risques résidents/ non-résidents, poids des marchés dans les risques et le produit net bancaire, sources des résultats, composition de l’actionnariat…) à définir par un Fonds International d’’Intervention (F2I), de nature prudentielle à créer.
Ce fonds serait fortement doté par une taxe internationale sur les transactions financières proportionnelle aux risques et à l’utilité desdites transactions comme le préconisent la France, l’Allemagne et maintenant la Commission Européenne. Vu son assiette elle toucherait toutes les banques mais beaucoup plus les banques systémiques que les autres. Et ces dernières, bien que hors de ce dispositif de sauvetage, en profiteraient quand même indirectement en réduisant leurs risques de contrepartie qu’elles ont nécessairement sur ces méga-banques.
A son démarrage ce Fonds pourrait être préfinancé par le FMI pour compléter ses ressources. Il interviendrait systématiquement en liaison étroite avec le FMI, la BRI, et le Comité de stabilité financière pour décider ou non d’une intervention ainsi que du traitement qui serait fait aux actionnaires. FMI qui serait aussi associé financièrement à ces opérations de sauvetage au lieu de le voir prêter aux pays concernés par ces défaillances et qui de se fait aggravent d'autant leur propre endettement… et leurs risques. Pour la zone euro c'est vital si on ne veut pas qu’un pays se retrouve un jour dans la situation de l’Islande, voire de l’Irlande d’avoir encore à aggraver des plans d’austérité pour renflouer des banques dites nationales mais dont l’activité est devenue très largement multinationale. Et que diraient demain les Anglais s’il leur fallait sauver HSBC qui a de plus en plus son cœur de métier en Asie mais encore, pour le moment, son siège social à Londres ?
Certes ce renflouement quasi assuré peut entraîner un aléa moral de la part des banques systémiques. Ce serait oublier qu’il devrait être nécessairement assorti de mesures drastiques concernant les dirigeants et les actionnaires investisseurs institutionnels et hedge funds qui n'auraient pas répondu aux demandes d'augmentation de capital pressantes formulées par les autorités bancaires tel que le code monétaire français le prévoit dans son article L 511-42 « Lorsqu'il apparaît que la situation d'un établissement de crédit le justifie, le gouverneur de la Banque de France, président de l'Autorité de contrôle prudentiel, invite, après avoir, sauf en cas d'urgence, pris l'avis de l'Autorité de contrôle prudentiel, les actionnaires ou les sociétaires de cet établissement à fournir à celui-ci le soutien qui lui est nécessaire ».
Il appartient aux autorités internationales mentionnées de dessiner les principes qui présideraient au traitement des actionnaires institutionnels récalcitrants: degré de dilution des doits de vote, privation future de dividendes de leurs titres, attribution par contre de droit de vote double pour les titres des souscripteurs… autant de paramètres sur lesquels ils pourraient jouer.
Appliqué jusqu’à présent seulement aux petits établissements, ce texte mériterait d’être activé pour les moyennes mais aussi les très grandes banques dans la cadre élargi du G20. L’inaction éventuellement constatée après cette « invitation » pourrait déclencher le processus de sanction précédemment énoncé.
En effet, le devoir d’actionnaire ne s’arrête pas, contrairement à la vulgate, à la mise initiale de fonds. Participer à une augmentation de capital pour passer une forte tourmente (et non pour faire de l’acharnement thérapeutique) a été un principe souvent appliqué dans tout l’histoire de la vie des affaires et ce souvent pour le plus grand bien à moyen terme de l’entreprise et de ses actionnaires.
Il n’y a plus, avant longtemps, d’actionnaires en dernier ressort pour des groupes aux risques devenus incommensurables. La question de leur sauvetage éventuel est cruciale, complexe, très sensible vis-à-vis des souverainetés nationales et très difficile à mettre sur pied... surtout en pleine crise. Raison de plus pour que ce soit le plus tôt possible un nouveau chantier pour les prochains G20.
On trouvera une analyse assez semblable dans un article du groupe Diogène :
"Il est encore temps d'éviter un nouveau Lehman Brothers",paru le 7 septembre 2011sur Slate.fr :
http://www.slate.fr/story/
Commentaires
Cette analyse a le mérite de mettre le doigt sur un aspect de la concurrence qui permet pour y faire face de croître en taille sans limite et de devenir un élément de développement économique mais un outil de pouvoir utilisant sans leur accord l'épargne individuelle avec la caution des états.
Lea solution proposée a le mérite de permettre de compenser cette anomalie structurelle mais ne résout pas le problème implicite des abus de pouvoir économique implicite qui persistent.
Certains états comme l'Inde ou la Chine s'en protègent de façon souvent efficace et quand elle ne l'est pas par une dénonciation unilatérale des obligations ayant aboutit à un résultat inattendu.
Ainsi il semble douteux que ces pays participent au projet. En outre cela conduit à indirectement à faire supporter le coût dans un accroissement de marge supporté par les moins à même de contester les facturations. La seule solution envisageable compte tenu du poids politique que représente ces établissement face à des États sans le sous est de renforcer les règles de tailles en limitant drastiquement leur poids sur le marché et en faisant un moratoire sur les obligations hors bilan concernant les risque sur la dette publique au moins au delà d'un certain seuil. Mais ce n'est pas gagné d'avance
Arrêtons d'hurler avec les loups contre des banques irresponsables ! Les banques n'ont qu'un seul problème la financiarisation dérèglementée exagérée de leurs activités au détriment de l'intermédiation classique. Tout cela est organisé depuis 25 ans par des états et des collectivités territoriales dispendieux d'un argent qu'ils n'ont pas et qu'ils empruntent en le gageant sur un avenir que l'on sait aujourd'hui en berne. Plutôt que de gaspiller de l'argent public dans des fonds d'assurance spéculatifs bien éloignés de la banque pour protéger les financiers de marchés laissons s'écrouler sur elle-même la bulle spéculative du refinancement des dettes publique insolvables et des crédits pourris. En France, il est facile et rapide d'arrêter la spéculation contre les banques... Un rapprochement de BNP-Paribas avec la Société Générale et le maillon faible est supprimé au grand damne des spéculateurs... La surface financière devient alors suffisante pour absorber l'effondrement des échafaudages spéculatifs de refinancements privé et publics avec des bulles spéculatives qui vont éclatées en se succédant dans les 2 ans à venir ! Restera à traiter la question des Assurances bien mal en point elles aussi, avant celle de la protection sociale et des emplois subventionnés défiscalisés... Si on regarde plus loin que le bout de son nez, on voit qu'il n'y a qu'une seule crise, celle du surendettement nourrissant une masse monétaire mondiale en trop plein d'extension; alors réduisons l'endettement et la masse monétaire mondiale au niveau des besoins de l'économie réelle au lieu détourner les fonds internationaux nécessaires au développement économique des pays en développement !
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Merci
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« Pour briser le cercle vicieux entre Etats et banques, il nous faut plus de partage des risques à travers les frontières dans le système bancaire. A court terme, une entité paneuropéenne ayant la capacité de prendre des participations directes dans les banques aiderait », a déclaré Christine Lagarde à Washington le 17 avril dernier.
L'idée que j'ai présentée dans cet article commence à faire son chemin. Même si je pense que que le niveau européen n'est qu'une étape car les risques causes de sinistres majeurs peuvent aussi bien être pris à New York qu' en Asie ou sur des marchés complètement mondialisés.
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