La dette publique n'est pas tout l'endettement
Par Michel Castel le lundi, 17 mai 2010, 11:54 - Articles - Lien permanent
Le Cercle- Les Echos - publié le 14/05/2010 -
résumé :
Pour un pays l'endettement intérieur total et le niveau de l'épargne nationale importent plus que la seule dette publique. L'envol de cet endettement total partout depuis 15 ans ne peut pas être résorbé en 3 ans et par la réduction de la seule dette publique. Il faut des mesures conservatoires pour maitriser à moyen terme ce désendettement.
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Pour un pays l'endettement intérieur total et le niveau de l'épargne nationale importent plus que la seule dette publique. L'envol de cet endettement total partout depuis 15 ans ne peut pas être résorbé en 3 ans et par la réduction de la seule dette publique. Il faut des mesures conservatoires pour maitriser à moyen terme ce désendettement.
A quand la dégradation généralisée des signatures de presque tous les pays de l'OCDE (Allemagne, Canada, Australie, Corée exceptés) ? A quand l’implosion de l’euro et une crise aussi grave que celle des années 30 ? On oserait presque dire tout cela seulement parce que les dettes publiques s’envolent partout, et à ce titre la zone euro inquiète tout particulièrement, et ce suite à 3 ans de crise majeure partout sauf en Chine et dans quelques pays émergents. Pourtant il faudrait se rappeler quelques données de base.
Se focaliser uniquement sur les dettes publiques, c’est oublier ce qui compte vraiment pour mesurer l’endettement d’un pays, à savoir le total de l'endettement de l'ensemble des agents économiques de ce pays et son évolution... alors qu’ observateurs, analystes, et marchés se focalisent presque uniquement sur la dette publique ; la dette brute de surcroît ! C'est aussi le fait de disposer ou non d'assez d'épargne nationale pour couvrir l'ensemble de ces besoins ne pas trop dépendre des capitaux étrangers. De ce point de vue des pays comme le Japon et la France se tiennent encore bien avec une épargne nationale abondante. On ne peut pas en dire autant des Etats-Unis ni du Royaume-Uni notamment.
Quelques chiffres donc d’endettement intérieur total pour quelques
pays : à mi 2009, la dette totale du Japon était de 345% du PIB (!),
celle du Royaume-Uni de 242%, celle des Etats-Unis de 234%, alors que
celle de la France était de 192%, juste
derrière l'Allemagne qui était à …190%. Sur la période juin
2008/ juin 2009 suite à la crise, la dérive de l'endettement total a
été de 11% du PIB pour l'Allemagne, de 13 % pour les Etats-Unis, de 17%
pour la France et le Royaume-Uni, de 21% pour le Japon.Entre juin 2008 et juin 2009 ( les chiffres à fin 2009 ne sont pas
publiés) dans la zone euro l'endettement total de tous les agents est
passé de 197,5 % du PIB à 214,4 % soit un alourdissement de 16, 9
points dont 10,1 points au titre des dettes publiques.
Au total les écarts se
creusent, mais restent dans le domaine du gérable si des politiques
responsables et coopératives sont engagées.
Au-delà de ces chiffres actuels, il est également important de rappeler qu’il y a 15 ans l’endettement total d’aucun pays ne dépassait 150% du PIB, et était de l’ordre de 100% pour la France et l’Allemagne. Qui s'est inquiété de cette dérive majeure au cours de cette période ? Les analystes, les agences ? Les marchés ? Les politiques ? Les régulateurs ? Le FMI ? Qui plus est, ces dettes sont devenues de plus en plus négociables sur les marchés avec des effets de levier se généralisant et aggravant ainsi la volatilité et les risques de contreparties ; le tout dans une déresponsabilisation largement applaudie si ce n’est orchestrée.
C’est ainsi que les dettes publiques sont presque toutes entièrement négociées sur les marchés, alors qu’à peine la moitié l’était dans la plupart des pays il y a 15-20 ans. Il est plus qu’urgent de ne pas oublier ces deux données :
- avoir une vision globale des endettements qui relativise sans le nier le poids des dettes publiques;
- ne pas oublier qu’on ne peut pas inverser en 2 ou 3 ans 15 ans d’évolutions des endettements aussi majeures et aussi contraires à ce que tous les pays sont aujourd’hui obligés d’engager.
- Il faudra faire du désendettement (mais jusqu’où ? les réflexions et travaux manquent cruellement en la matière). Mais il faut le faire en donnant du temps au temps, en stimulant les moyens d’une croissance durable pour en faciliter la réalisation. Dans l’attente, il faut desserrer les contraintes financières pour les dettes publiques de la zone euro.
- Au-delà des décisions européennes du week-end et en limitant au maximum les achats directs de ces dettes par la BCE pour ne pas nuire à la crédibilité de l’euro, il faudrait stabiliser les portefeuilles de titres publics européens détenus par les acteurs financiers européens (on ne peut rien pour les non-résidents) pour que les 750 milliards ne s’avèrent pas insuffisants dans les 3 ans à venir pour les pays de la zone euro (mais aussi possiblement pour le Royaume-Uni qui bien que n’ayant pas participé et n’étant pas dans la zone euro ne devrait pas être laissé à lui-même si on veut que l’Union Européenne n’apparaisse pas comme morte aux yeux de l’étranger). Il faudrait aussi relancer l’émission de bons du Trésor et d’obligations directement auprès des ménages européens dont l’épargne est globalement très abondante, Voire si leur confiance est en partie érodée comme en Grèce, passer par un emprunt obligatoire. On a bien eu un impôt sécheresse… les enjeux sont d’une tout autre ampleur et les inconvénients politiques qu’il représenterait ne doit pas faire flancher les gouvernements.
Commentaires
Un complément qui pourrait être un renvoi à mon article :
Entre juin 2008 et juin 2009 ( les chiffres à fin 2009 ne sont pas publiés sauf erreur de la part) dans la zone euro l'endettement total de tous les agents est passé de 197,5 % du PIB à 214,4 % soit un alourdissement de 16, 9 points dont 10,1 points au titre des dettes publiques.
La Banque de France vient d'actualiser le taux d'endettement des agents non financiers à fin décembre 2009:
http://www.banque-france.fr/fr/statistiques/telechar/titres/2009_T4_stat-info_taux_endettement_agents_non_financiers_comparaisons_internationales.pdf
Parmi les données recensées on notera notamment que:
- le taux d'endettement de tous les agents de la zone euro a atteint à cette date 219,3% du PIB contre 197,5 % en juin 2008, date à partir de laquelle la crise financière à commencé à peser sur les économies réelles, soit une aggravation de l'endettement total de 21, 8 points de PIB.
- sur ce total la part des dettes publiques de la zone est passée de 69,4 % à 83,7% soit + 14,3 points de PIB%.
- aux Etats-unis l'endettement total a cru de 16,7 points passant de 221,1 % à 237,8 ; + 19 points d'endettement public mais étant accompagné d'un tout petit désendettement des ménages et des entreprises.
- pour la France l'endettement total est de 198 pointsde PIB dont 81,9 d'endettement public et pour l'Allemagne les chiffres correspondant sont 192 et 73,1 .
La dérive depuis juin 2008 est de 23 points pour la France, de 13 points pour l'Allemagne ; dont 16 points pour l'endettement public de la première et 10,3 points pour la seconde.
On notera qu'une petite partie du fort alourdissement généralisé de l'endettement constaté vient de la contraction du PIB enregistrée pour l'exercice 2009.
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