LE CERCLE -Les Echos - le 27/08/2012.
Résumé - La question des droits et devoirs des actionnaires – et tout particulièrement celle de leurs devoirs en matière de soutien financier- est très peu étudiée et encore moins discutée. C’est pourtant une question cruciale. Elle est le pendant naturel de la « création de valeur pour l’actionnaire » tellement prégnante depuis une quinzaine d’années dans tous les pays de l’OCDE.
Avant d’être cédée, la BIL Banque Internationale à Luxembourg), filiale du groupe bancaire franco-belge, doit être refinancée. Une déconvenue supplémentaire pour Dexia commente Les Echos du 27/08/2012 sous le titre « Nouveaux déboires pour la banque franco-belge Dexia ».
Cette déconvenue comme il est écrit, et c’est un euphémisme, suscite au moins deux observations au titre des droits et devoirs des actionnaires.
La première, c’est que le sacro-saint principe de l’actionnaire (d’une société anonyme) engagé qu’à la hauteur de sa mise est ici plus que battu en brèche. Et par qui ? Non pas par d’affreux interventionnistes ou gauchistes mais par un fonds d’investissement (qatari en l’occurrence) pour une opération purement de type capitaliste de reprise. Ledit fond a bien voulu acheter cette banque mais à condition que le vendeur restaure sa surface financière à la hauteur voulue par la réglementation bancaire. A lui tous les profits futurs, aux anciens actionnaires et, dans le cas précis aux contribuables français et belges,d’éponger tout le poids du passé ! Bien joué l’acquéreur !
La seconde, c’est que la filialisation des activités bancaires actuellement tellement réclamée par le plus grand nombre- séparant banque classique et banque de marché- n’empêchera pas de faire jouer l’appel au renflouement de la branche en difficulté par le groupe, ne serait-ce que pour trouver un acheteur comme on le voit ici. C’est l’illustration de ce que j’ai écrit dans un commentaire de l'interview de MARTIN WOLF, membre de la Commission VICKERS, « Pourquoi l’argent public devrait-il financer la banque d’investissement ? ».Les Echos -20/12/2011 . « Filialiser les activités de marché ne changerait rien à l'analyse que feraient les marchés d’un groupe bancaire comportant ces deux types d’activités puisqu'on reste avec un même actionnariat. Seul un actionnariat profondément différent pour chacune des parties après scission de la banque initiale serait une vraie protection. Or c’est une déconstruction largement improbable ».
En fait, le devoir d’actionnaire ne s’arrête pas, contrairement à la vulgate, à la mise initiale de fonds. Participer à une augmentation de capital pour passer une forte tourmente (et non pour faire de l’acharnement thérapeutique) a été un principe souvent appliqué dans tout l’histoire de la vie des affaires et ce souvent pour le plus grand bien à moyen terme de l’entreprise et de ses actionnaires. « Qui devra payer pour les banques systémiques » .Le Cercle- Les Echos - le 22/09/2011
Pour ce qui concerne plus spécifiquement les banques, il n’est pas inutile de rappeler qu’en France, l’article 52 de la loi bancaire du 24 janvier 1984, devenu l’article L.511-42 du code monétaire prévoit que : « Lorsqu'il apparaît que la situation d'un établissement de crédit le justifie, le gouverneur de la Banque de France, président de l'Autorité de contrôle prudentiel, invite, après avoir, sauf en cas d'urgence, pris l'avis de l'Autorité de contrôle prudentiel, les actionnaires ou les sociétaires de cet établissement à fournir à celui-ci le soutien qui lui est nécessaire ».
On précisera toutefois les limites de l'appel par les autorités bancaires au devoir des actionnaires, car, jusque là, il n'a joué que pour les petites banques en difficulté. Il est vrai que la question est autrement plus ardue quand l’entité défaillante est une grande banque cotée, dont l’actionnariat est très dispersé et/ou les principaux détenteurs sont des investisseurs institutionnels nationaux ou étrangers.
Cette disposition serait-elle néanmoins une exception française de plus ? Non. Depuis la publication en septembre 1997 par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire des 25 principes fondamentaux pour un contrôle bancaire efficace, le 3ème de ces 25 principes en reprend la philosophie. Et tout dernièrement, le projet d'Union bancaire européenne reprend également le principe d’un rôle exorbitant du droit commun des autorités bancaires dont les moyens d’action se rapprocheraient de ceux dont dispose déjà le FDIC aux USA.
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La question des droits et devoirs des actionnaires – et tout particulièrement celle de ses devoirs en matière de soutien financier- est très peu étudiée et encore moins discutée. C’est pourtant une question cruciale ; le pendant naturel de la « création de valeur pour l’actionnaire » tellement prégnante depuis une quinzaine d’années dans tous les pays de l’OCDE.