Pour vraiment verdir le financement de l'économie
Par Michel Castel le mardi, 28 août 2018, 18:27 - Articles - Lien permanent
Pour vraiment verdir le financement de l'économie la sphère financière toute entière doit se mobiliser. Elle le fera d'autant mieux que les banques centrales et les superviseurs l'accompagneront fortement et habilement par un environnement prudentiel adéquat mais surtout par la mise en place d'une politique durable de refinancement préférentiel.
To really green the financing of the economy, the entire financial sphere must mobilize. It will do so much better than central banks and supervisors will strongly and skilfully accompany it through an adequate prudential environment but also by the implementation of a sustainable policy of preferential refinancing.
Pour vraiment verdir le financement de l'économie la sphère financière toute entière doit se mobiliser. Elle le fera d'autant mieux que les banques centrales et les superviseurs l'accompagneront fortement et habilement par un environnement prudentiel adéquat mais surtout par la mise en place d'une politique durable de refinancement préférentiel.
To really green the financing of the economy, the entire financial sphere must mobilize. It will do so much better than central banks and supervisors will strongly and skilfully accompany it through an adequate prudential environment but also by the implementation of a sustainable policy of preferential refinancing.
article publié sur Linkedin le 28/08/2018
Pour réduire de façon drastique les émissions de carbone (engagement de l'U.E. de les réduire de 40 % avant 2030 notamment) il est indispensable de très fortement verdir le financement de l'économie. Les financements publics sont et resteront très insuffisants, les financements privés par les banques et les marchés doivent être massivement mobilisés. Surtout qu'il y a le même impératif pour lutter contre la pollution, pour renforcer les économies d'énergie et arrêter l'effondrement de la biodiversité.
Il est heureux que neuf banques centrales[1] et superviseurs bancaires se soient mobilisés en décembre 2017 en vue de publier un rapport en avril 2019. Le défi, selon le Gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, est pour ces autorités " notre nouvelle frontière à l'instar du financement de la croissance et des grandes infrastructures au XIXème siècle ou de la gestion des grandes crises financières au cours de cent dernières années"[2].Ces Banques centrales et superviseurs travaillent essentiellement pour déterminer le bon environnement prudentiel pour intégrer le développement de la finance verte même si leur objectif vise aussi à renforcer la mobilisation des capitaux en faveur de ce développement. Le prudentiel prédomine dans ces travaux et dans la gamme des éléments de préconisations déjà en partie dévoilés; le volet superviseurs a et de loin pris le pas sur la partie banques centrales et les politiques et taux et de refinancement, bases des politiques monétaires.
A très grands traits, pour le prudentiel il s'agit de bien mesurer les risques climatiques après en avoir harmonisé les composantes et de mettre en place des stress tests appropriés auprès des banques et des assurances comme ces autorités savent le faire pour les risques classiques après en avoir ajusté les dispositifs plusieurs fois depuis Bâle 1 et les directives européennes. Mais l'usage des ratios prudentiels est de manipulation difficile - en quoi par exemple un financement vert serait-il systématiquement moins risqué qu'un financement classique et justifierait une moindre exigence de fonds propres ? Moindre exigence susceptible de mettre en question la robustesse individuelle et globale du système financier aux crises et autres risques (de solvabilité, de taux, de change...) qui existerons toujours. Une alternative ? Avoir une politique de malus pour les crédits à forte intensité carbone ou facteurs de pollution ? Elle n'est pas davantage facile à déterminer. Même avec des taux unitairement élevés sa production globale sera faible car elle ne portera que sur les nouveaux crédits fortement carbonés (de peu de poids par rapport aux encours) et elle sera très fluctuante car fonction des cours très volatiles de l'énergie et des matières premières. De plus elle ne dissuadera pas d'investir dans des activités carbonées ou négatives pour l'environnement quand les cours flambent. Par ailleurs, le développement de stress tests climatiques pertinents - intégrant tous les effets de chaîne à moyen long terme possibles - mentionné par le groupe est tout sauf évident. On l'a vu pour les stress tests visant les risques classiques connus pourtant de longue date.
Cependant malgré toutes ces difficultés des mesures prudentielles doivent être approfondies et mises en place. Pour autant elles ne règleront pas l'enjeu de mobiliser une forte capacité d'offre financière pour les investissements verts et pour ceux touchant plus globalement à l'impact des hommes sur la planète.
Jusqu'à présent, sur cette question essentielle, le groupe de banques centrales et de superviseurs précité montre ses limites. Il indique réfléchir à un développement des obligations vertes et de leur titrisation; et là on sait par avance qu'il y aura des avancées; c'est dans l'air du temps ! Le groupe déclare également " qu'il faut plus de prêts verts et plus de financements verts en général accessibles aux particuliers, aux PME et aux start-ups". Là par contre rien n'est vraiment préconisé voire même simplement esquissé.
Au-delà de là cette pétition de principe de plus de financement pour les particuliers et les PME et hormis un traitement prudentiel approprié - cf. ci-dessus - il n'y a, semble t-il, aucune réflexion sur le volet taux et refinancement par les banques centrales dans le cadre de leur politique monétaire seul moyen substantiel pour "booster" l'offre de financements verts dans son volet bancaire et financier.
Actuellement et sans doute pour quelques années encore, plus qu'une politique de taux spécifique, la véritable incitation forte à octroyer des crédits verts et à souscrire des obligations vertes serait de permettre leur refinancement préférentiel par les banques centrales à l'instar de la mise en place progressive à partir de 2010 du rachats de titres publics et de grandes entreprises qui a permis de faire face à la très grave crise de confiance entre acteurs financiers minant les facultés de refinancement interbancaires. Maintenant que cette mesure non conventionnelle est arrêtée (USA) ou en cours de réduction avant son arrêt (BCE) il y a là la possibilité de remplacer progressivement un refinancement à l'aveugle (qui fut néanmoins utile) par un refinancement ciblé visant à relever un des plus grand défit actuel de la planète. En charge de la surveillance directe des plus grandes banques européennes, la BCE peut se donner les moyens de vérifier ( a priori, par sondage ou a posteriori) que le papier présenté à ses guichets correspond bien à un financement concourant à la sauvegarde de la planète. Elle relèverait ainsi à la fois un défi quantitatif de financements à offrir et un défi qualitatif que ces même financements soient réellement sources de progrès et non des opérations de "greenwashing".
Sur le plan financier "la nouvelle frontière" ne sera effective que si la sphère financière toute entière se mobilise. Elle le fera d'autant mieux que les banques centrales et les superviseurs l'accompagneront fortement et habilement par un environnement prudentiel adéquat mais surtout par la mise en place d'une politique durable de refinancement préférentiel.
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Plus de détails et de précisions dans
http://www.michelcastel.com/index.php?post/2012/04/26/La-quote-part-souhaitable-de-la-BCE-dans-le-pacte-de-croissance