Les Echos.fr - Le 11/03/10 - AmirWeitmann - Le cercle Economie et entreprises
Les politiciens européens dénoncent "les spéculateurs", responsables de la crise grecque, ou au moins qui "parient" sur la faillite de la Grèce et la précipitent. En fait, ils ne font que montrer leur ignorance, leur démagogie et leur populisme et, surtout, leur dangerosité.
mon commentaire :Arrêtons les simplifications ! Que les politiques recourent assez souvent à la démagogie en montrant du doigt des opérateurs et/ou des techniques comme autant de bouc-émissaires, personne n'en disconviendra.
Mais que de leur côté les acteurs de la finance ne se présentent que comme de bons petits soldats de la logique, de la rigueur et finalement comme des quasi sauveurs qu'ils faudrait presque remercier (car sans leurs interventions cela aurait été encore pire) qui le croira vraiment ?
En fait les uns et les autres sont très souvent et longuement en étroite collusion jusqu'au moment ou un fait - un déclassement d'une agence de notation, un petit problème de liquidité ou de valorisation de produits négociés sur les marchés, un ralentissement économique voire une crise ...- casse cette belle entente implicite.
C'est bien parce que les banques et les investisseurs institutionnels y ont trouvé leur compte que des ajustements drastiques de balance des paiements sont aussi longuement retardés pour les pays comme les Etats-Unis -plus de 30 ans !-, mais aussi l'Espagne, la Grande-Bretagne et la France -depuis 5 ou 6 ans. Il en est de même pour l'accession à la propriété aux USA avec les
subprime qui ont remplacé la capacité de remboursement des emprunteurs par des paris sur le prix des logements et que ces crédits une fois titrisés ont été vendu à toute la planète comme des produits de placements sûrs. On pourrait multiplier les exemples, sur les dettes publiques sur-souscrites , les LBO avec effets de leviers énormes, les flambées des prix sur l'énergie et les matières premières ou alimentaires bien au-delà des données de l'économie réelle ... Au point que le moins suspect des anti- marché, Alan Greenspan, a parlé d'exubérance irrationnelle des marchés dès 1996, que, plus structurellement, les bourses prévoient des cas d'arrêts temporaires des cotations pour que les acteurs reprennent leurs esprits....
Ne serait-il pas plus raisonnable de reconnaître que:
1- si les marchés peuvent avoir la vertu de "recadrer" des politiques de fuite en avant, ils ne le font pas toujours à temps même si c'est avant les politiques. Entre temps ils profitent des facilités de l'heure (et ce d'autant plus qu'ils disposent maintenant de moyens de couvertures considérables pour espérer se défausser des risques juste à temps oubliant que dans les cas extrêmes les contreparties s'évanouissent);
2- leurs corrections peuvent effectivement sur-réagir et provoquer des chocs en chaîne qui n'ont plus de rien de vertueux et qui sont même susceptibles de porter des préjudices graves à leurs clients finaux, voire à leurs actionnaires quand se croyant immunisés de ces risques ils se retrouvent en fait dans ladite chaîne.
Mieux vaudrait travailler en commun pour trouver le cadre institutionnel -alertes des autorités telles le FMI, le Comité de Stabilité Financière-, les banques centrales et autorités de marchés (en se coordonnant) - et institution de ratios prudentiels adéquats- qui permette à la fois le jeu des marchés dans ses multiples composantes mais qui les rendent plus robustes en évitant des emballements nuisibles pour tous. Des chantiers sont en route en la matière: il ne leur faut ni baisser les bras, ni sur-réagir à leur tour.